Wednesday, February 27, 2019

François Bonnet; La Catalogne et la banalisation du mal.

Le blog de toni cardona

Lettre ouverte à la rédaction de Mediapart  

Depuis longtemps je me suis habitué à la condescendance de beaucoup de français à l’égard  des autres latins, se considérant moralement, culturellement et démocratiquement supérieurs. Et cela sans prendre la mesure de la connotation xénophobe de leurs propos. Egalement de leur incroyable ignorance de l’histoire, y compris chez des personnes cultivées.

Pour les français de droite, les Espagnols ont souvent été perçus comme un peuple prompt à la révolte, indiscipliné, fanatique. Un peuple qu’il faut tenir en laisse. De Gaulle était représentatif de cette vision de droite sur les Espagnols. Pour lui il fallait un géneral pour tenir ce peuple turbulent.
Alors que les républicains Espagnols luttaient pour la libération de la France, il fit envoyer les spahis le long de Pyrénées pour empêcher que des FTP Espagnols ne s’infiltrent en territoire Espagnol. Arrivé à la retraite, il alla saluer Franco, le féliciter pour son travail.

Pour les français de gauche, condescendants, les Espagnols seraient les premiers responsables de leur sort au XX eme siècle. A la notable exception des Basques et Catalans, l’âme Espagnole serait pour eux porteuse de tendances réactionnaires, intransigeantes, fascisantes. Ils ne seraient en quelque sorte, pas porteurs de l’adn de la démocratie, pour reprendre une formule très en vogue dans les milieux nationalistes Catalans rapport au reste des Espagnols,

Le comportement de F.Mitterrand à l’égard des Espagnols, est représentatif de cette vision de gauche.
Ainsi jusqu’au milieu des années 80, alors que les Espagnols avec le socialiste Felipe Gonzalez, suivaient leur voie vers la démocratisation complète de l’Espagne, le Pays Basque Français sous gouvernance également socialiste, restait un sanctuaire pour les sicaires d’ETA. Il fallut que Felipe Gonzalez, excédé par l’hypocrisie de Mitterrand et Joxe, envoi les tueurs des GAL, exporter le terrorisme du pays Basque Espagnol vers le Pays Basque français, pour en finir avec le sanctuaire français. Lorsque Mitterrand se rendit compte que Gonzalez pouvait être aussi roublard que lui, il comprit qu’il était temps de fermer ce sanctuaire, ce qu’il avait promis à Gonzalez en 1982, sans tenir parole. Et en  mars 1986 enfin, les premiers contingents de membres d’ETA impliqués dans des meurtres, seront livrés à Baltazar Garzòn.

Ces français de gauche ignorent le rôle déterminant depuis deux siècles des interventions étrangères en Espagne, française au XIX eme, puis Allemandes ou Italiennes. Forçant ainsi la victoire du camp réactionnaire sur le camp progressiste. L’appui à peine discret à la dictature, de la France, de la GB comme des EU. Ils oublient, ou ne savent pas que contrairement aux autres pays d’Europe, les Espagnols ne donnèrent jamais démocratiquement le pouvoir à l’extrême droite.

A l’inverse des civils Madrilènes (trahis par leur armée), les Parisiens ne s’organisèrent pas en milices pour résister trois ans durant aux assauts de la Luftwaffe, et des mercenaires payés par l’oligarchie terrienne et la grande bourgeoisie Basque et Catalane. Que serait devenue la France, qui démocratiquement confia son sort à Pétain, si les Anglo-Saxons s’étaient accommodé d’Hitler?
Les nationalistes Basques et Catalans ont usé et abusé des clichés de la gauche Française et aussi européenne sur l’Espagne.

Une gauche française qui non seulement ignore que les deux principaux fiefs de la réaction Carliste au XVIIII eme siècle, opposés au libéralisme, et partisans d’une monarchie absolutiste et d’un clergé conservateur, furent les campagnes Basques et Catalanes.

Un nationalisme Catalan dont la composition sociologique et les fiefs électoraux, correspondent exactement à celle du franquisme Catalan; campagnes de tradition Carliste de l’arrière pays, et quartiers bourgeois de Barcelone.

Le nationalisme Basque ainsi que le nationalisme Catalan, se fondent sur des penseurs et écrivains ouvertement xénophobes – Sabino Arana dans le premier cas et Enric Prat de la Riba, Pompeu Gener ou le docteur Bartolomé Robert dans le second. Ces faits sont bien connus et de telles doctrines ne sont en rien un accident ou une dérive des deux séparatismes : ils en forment le berceau et le réacteur nucléaire. D’ailleurs, les élites séparatistes catalanes contemporaines (Jordi Pujol, son épouse Marta Ferrusola, Artur Mas, Núria de Gispert, Joaquim Torra, Oriol Junqueras, etc.) continuent d’avoir des déclarations xénophobes à l’encontre des autres Espagnols, sans que leurs bases ne s’en émeuvent réellement, ni une certaine gauche française, qu’on retrouve à la rédaction de Mediapart. Leurs articles sont souvent de simples déclinaisons de la presse nationaliste la plus extrémiste.
Le comble a été atteint par F. Bonnet dans son article, « Catalogne la honte de l’Espagne, le déshonneur de l’Europe » par ses amalgames, ses réferences déplacées au franquisme, cinq fois convoqué. Il reprend les chiffres communiqués par la propagande nationaliste sans les vérifier, comme la rehtorique nationaliste, sans hauteur de vue, un travail bâclé où des dates sont confondues, conforme au clichés les plus stupides sur l’Espagne. Un texte qu'auraient pu écrire les époux Riand, qui ont choisi Mediapart comme tribune d'agit prop nationaliste, et qui dans un article comme celui-ci ici, passent d’un racisme implicite, au racisme assumé.

On peut penser ce qu’on veut de la réaction du pouvoir au viol des règles démocratiques en Espagne par l’exécutif Catalan, mais si sur Mediapart on ne rapporte qu’une facette de cette affaire, si on fait des amalgames (comme actuellement certains le font entre le mouvement des gilets jaunes et l’anti-sémitisme), on ne fait pas dans le journalisme, mais dans l’agit-prop, et l’agit-prop est incompatible avec l’intelligence et la déontologie du journalisme.

Je conclu en traduisant une partie d’un article de la Catalane Lidia Falcòn, en rapport avec l’utilisation frivole du qualificatif « franquiste », « prisonnier politique », « procès politique », tant par les nationalistes Catalans, que par une certaine gauche française, que F.Bonnet R.Godin ou Antonn Rouget représentent tellement bien.

Lidia Falcòn pionnière du féminisme en Espagne, militante engagée contre la dictature, injustement accusée de collaborer avec ETA, fut avant d’être incarcérée, torturée deux semaines durant par le tristement célèbre Billy el Niño.

Aujourd’hui, immergés dans « l’aire du mensonge » On utilise des termes qui dans des époques antérieures avaient une signification terrible, pour des comparaisons déplacées, qui banalisent l’ampleur des tragédies vécues. Sans qu’on trouve à redire sur la carence d’éthique de telles comparaisons, pour masquer la réalité. 

La qualification de « fasciste » se répète avec une frivolité blessante. Les termes « dictature », ou « franquisme » sont utilisés avec naturel pour parler de la situation politique et social actuelle de l’Espagne, et plus particulièrement de la Catalogne.

Pour ceux qui avons avons supporté toute notre enfance, notre jeunesse, et qui entrâmes dans la vie adulte encore sous le joug du franquisme, nous nous considérons humiliés en entendant ces qualifications de la bouche de représentants politiques, des gens qui devraient être mieux informés, et qui ont l’obligation de dire la vérité. 

Pour ceux qui fumes trainés dans les commissariats et les prisons, où nous fumes battus et torturés, poursuivis pour nos idées, pour les avoir exprimés, rapportées sur des tracts que nous diffusions dans la clandestinité, ou pour nous être réunis, afin de nous organiser. Dire qu’aujourd’hui il y a des prisonniers politiques en Espagne, est vécu par nous comme une insulte.

Des dirigeants politiques du PdeCat (le parti de Puigdemont) la droite Catalane de toujours, qui approuva au congrès la modification de l’article 135 de la constitution (règle des 3% de déficit, au printemps 2012) comme la loi de sécurité citoyenne, pour empêcher la tenue d’un référendum dans les villes de Catalogne sur la réforme du code du travail, avec l’intervention de la police régionale pour retirer les urnes, osent maintenant affirmer que le gouvernent Espagnol est en train d’agir comme au temps du régime franquiste. Avec un complet mépris pour les résolutions judiciaires.
Les indépendantistes publient de telles accusations dans les médias, expriment ces arguments dans des débats télévisés, convoquent à des manifestations, coupent les axes de la circulation sans se préoccuper des autorisations. Et jugés sur les capots des voitures, excitent la foule pour qu’elle s’oppose à l’exécution d’un mandat judiciaire, cassent les voitures de la police et s’exhibent en masse, triomphants

Pour ceux qui furent mitraillés dans les manifestations contre la dictature franquiste, pour les morts de Vitoria, de Poble Nou, Barcelone, Cadix, Séville, mitraillés dans les rues alors qu’ils réclamaient du pain et du travail. C’est une insulte que d’affirmer qu’aujourd’hui en Espagne nous vivons sous une dictature et plus particulièrement en Catalogne.

Pour les fusillés de 1939, depuis les 13 « rosas » jusqu’à Julian Grimau, Granados et Delgado, Salvador Puig Antich, Jose Humberto Sanchez Baena, Jose Luis Sanchez Bravo, Ramon Garcia Sanz, Juan Paredes Manot, Angel Otaegui, exécutés le 27 septembre 1975 au crépuscule du franquisme, et pour les innombrables victimes de la répression, enfermés pendant d’interminables années et torturés, c’est un affront de considérer qu’aujourd’hui en Espagne on poursuit les gens pour leurs idées ou activités politiques.

Pour les 150 000 victimes assassinées et jetées dans des fosses, dont nous n’avons pu récuperer les restes, c’est une ignominie que de prétendre que nous serions revenus aux temps du franquisme. Assertions qu’ils expriment en toute impunité devant les caméras, sur les plateaux de télévision, aux journalistes étrangers comme nationaux, sans qu’ils ne subissent la moindre représaille.
Toute cette épique que les nationalistes Catalans ont perversement élaboré, (reprise sans nuance par F.Bonnet) est en train de coloniser certains secteurs de la gauche Espagnole (comme Française) et désoriente cette jeunesse qui n’a pas vécue ces terribles années de notre histoire.

Un récit faux est en train de s’écrire, un récit qui sera retransmis aux générations futures, un récit selon lequel le régime franquiste apparaitra comme un systéme politique semblable à l’actuel, avec des élections régulières pour toutes les institutions, mairies, communautés, parlement, sénat.
Avec des journaux qui publient ce qui peut sembler bon à leurs journalistes ou propriétaires. Avec des télévision libres d’inviter à détruire l’ordre constitutionnel comme le fait la TV régionale Catalane TV3. Avec des associations légales dans tout les domaines, étudiants, de quartier, syndicales, féministes En résumé tous ces avantages que la démocratie formelle permet en Europe ou en Amérique, depuis que la dictature fut mise en déroute.

Considérer qu’aujourd’hui le franquisme est de retour, comme on l’entend parce que le gouvernement a mis en application l’article 155 de la constitution pour destituer le gouvernement de la generalitat et convoquer de nouvelles élections, est de la pure propagande, la plus fallacieuse. Quand la conduite de Puigdemont et de ses conseillers est l’invitation à l’affrontement contre l’ordre juridique en vigueur.

Par intérêts politiques, tous les gouvernements Espagnols ont laissé les gouvernements régionaux Catalans endoctriner librement leur population, pour promouvoir leur projet d’indépendance depuis l’arrivée au pouvoir de Jordi Pujol en 1980.

(…)
Mais le plus impardonnable pour toujours, est la perverse utilisation par des catégories politiques installées, de termes comme, « franquisme », « fascisme », « procès politiques », « prisonniers politiques » et tant d’autres termes fallacieusement utilisés par les martyrs de l’indépendantisme Catalan, des termes déplacés avec lesquels, comme du temps d’Adolf Eichman, on est en train de banaliser le mal.

https://blogs.mediapart.fr/toni-cardona/blog/240219/francois-bonnet-la-catalogne-et-la-banalisation-du-mal 

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