Le blog de toni cardona
Lettre ouverte à la rédaction de Mediapart
Depuis longtemps je me suis habitué à la condescendance de beaucoup de français à l’égard des
autres latins, se considérant moralement, culturellement et
démocratiquement supérieurs. Et cela sans prendre la mesure de la
connotation xénophobe de leurs propos. Egalement de leur incroyable
ignorance de l’histoire, y compris chez des personnes cultivées.
Pour les français de droite, les Espagnols ont souvent été perçus
comme un peuple prompt à la révolte, indiscipliné, fanatique. Un peuple
qu’il faut tenir en laisse. De Gaulle était représentatif de cette
vision de droite sur les Espagnols. Pour lui il fallait un géneral pour
tenir ce peuple turbulent.
Alors que les républicains Espagnols luttaient pour la libération de
la France, il fit envoyer les spahis le long de Pyrénées pour empêcher
que des FTP Espagnols ne s’infiltrent en territoire Espagnol. Arrivé à
la retraite, il alla saluer Franco, le féliciter pour son travail.
Pour les français de gauche, condescendants, les Espagnols seraient
les premiers responsables de leur sort au XX eme siècle. A la notable
exception des Basques et Catalans, l’âme Espagnole serait pour eux
porteuse de tendances réactionnaires, intransigeantes, fascisantes. Ils
ne seraient en quelque sorte, pas porteurs de l’adn de la démocratie,
pour reprendre une formule très en vogue dans les milieux nationalistes
Catalans rapport au reste des Espagnols,
Le comportement de F.Mitterrand à l’égard des Espagnols, est représentatif de cette vision de gauche.
Ainsi jusqu’au milieu des années 80, alors que les Espagnols avec le
socialiste Felipe Gonzalez, suivaient leur voie vers la démocratisation
complète de l’Espagne, le Pays Basque Français sous
gouvernance également socialiste, restait un sanctuaire pour les
sicaires d’ETA. Il fallut que Felipe Gonzalez, excédé par l’hypocrisie
de Mitterrand et Joxe, envoi les tueurs des GAL, exporter le terrorisme
du pays Basque Espagnol vers le Pays Basque français, pour en finir avec
le sanctuaire français. Lorsque Mitterrand se rendit compte que
Gonzalez pouvait être aussi roublard que lui, il comprit qu’il était
temps de fermer ce sanctuaire, ce qu’il avait promis à Gonzalez en 1982,
sans tenir parole. Et en mars 1986 enfin, les premiers contingents de membres d’ETA impliqués dans des meurtres, seront livrés à Baltazar Garzòn.
Ces français de gauche ignorent le rôle déterminant depuis deux
siècles des interventions étrangères en Espagne, française au XIX eme,
puis Allemandes ou Italiennes. Forçant ainsi la victoire du camp
réactionnaire sur le camp progressiste. L’appui à peine discret à la
dictature, de la France, de la GB comme des EU. Ils oublient, ou ne
savent pas que contrairement aux autres pays d’Europe, les Espagnols ne
donnèrent jamais démocratiquement le pouvoir à l’extrême droite.
A l’inverse des civils Madrilènes (trahis par leur armée), les
Parisiens ne s’organisèrent pas en milices pour résister trois ans
durant aux assauts de la Luftwaffe, et des mercenaires payés par
l’oligarchie terrienne et la grande bourgeoisie Basque et Catalane. Que
serait devenue la France, qui démocratiquement confia son sort à Pétain,
si les Anglo-Saxons s’étaient accommodé d’Hitler?
Les nationalistes Basques et Catalans ont usé et abusé des clichés de la gauche Française et aussi européenne sur l’Espagne.
Une gauche française qui non seulement ignore que les deux principaux
fiefs de la réaction Carliste au XVIIII eme siècle, opposés au
libéralisme, et partisans d’une monarchie absolutiste et d’un clergé
conservateur, furent les campagnes Basques et Catalanes.
Un nationalisme Catalan dont la composition sociologique et les fiefs
électoraux, correspondent exactement à celle du franquisme Catalan;
campagnes de tradition Carliste de l’arrière pays, et quartiers
bourgeois de Barcelone.
Le nationalisme Basque ainsi que le nationalisme Catalan, se fondent
sur des penseurs et écrivains ouvertement xénophobes – Sabino Arana dans
le premier cas et Enric Prat de la Riba, Pompeu Gener ou le docteur
Bartolomé Robert dans le second. Ces faits sont bien connus et de
telles doctrines ne sont en rien un accident ou une dérive des deux
séparatismes : ils en forment le berceau et le réacteur nucléaire.
D’ailleurs, les élites séparatistes catalanes contemporaines (Jordi
Pujol, son épouse Marta Ferrusola, Artur Mas, Núria de Gispert, Joaquim
Torra, Oriol Junqueras, etc.) continuent d’avoir des déclarations
xénophobes à l’encontre des autres Espagnols, sans que leurs bases ne
s’en émeuvent réellement, ni une certaine gauche française, qu’on retrouve à la rédaction de Mediapart. Leurs articles sont souvent de simples déclinaisons de la presse nationaliste la plus extrémiste.
Le comble a été atteint par F. Bonnet dans son article, « Catalogne
la honte de l’Espagne, le déshonneur de l’Europe » par ses amalgames,
ses réferences déplacées au franquisme, cinq fois convoqué. Il reprend
les chiffres communiqués par la propagande nationaliste sans les
vérifier, comme la rehtorique nationaliste, sans hauteur de vue, un
travail bâclé où des dates sont confondues, conforme au clichés les plus
stupides sur l’Espagne. Un texte qu'auraient pu écrire les époux Riand,
qui ont choisi Mediapart comme tribune d'agit prop nationaliste, et qui
dans un article comme celui-ci ici, passent d’un racisme implicite, au racisme assumé.
On peut penser ce qu’on veut de la réaction du pouvoir au viol des
règles démocratiques en Espagne par l’exécutif Catalan, mais si sur
Mediapart on ne rapporte qu’une facette de cette affaire, si on fait des
amalgames (comme actuellement certains le font entre le mouvement des
gilets jaunes et l’anti-sémitisme), on ne fait pas dans le journalisme,
mais dans l’agit-prop, et l’agit-prop est incompatible avec
l’intelligence et la déontologie du journalisme.
Je conclu en traduisant une partie d’un article de la Catalane Lidia
Falcòn, en rapport avec l’utilisation frivole du qualificatif
« franquiste », « prisonnier politique », « procès politique », tant par
les nationalistes Catalans, que par une certaine gauche française, que
F.Bonnet R.Godin ou Antonn Rouget représentent tellement bien.
Lidia Falcòn pionnière du féminisme en Espagne, militante engagée
contre la dictature, injustement accusée de collaborer avec ETA, fut
avant d’être incarcérée, torturée deux semaines durant par le tristement
célèbre Billy el Niño.
Aujourd’hui, immergés dans « l’aire du mensonge » On utilise des
termes qui dans des époques antérieures avaient une signification
terrible, pour des comparaisons déplacées, qui banalisent l’ampleur des
tragédies vécues. Sans qu’on trouve à redire sur la carence d’éthique de
telles comparaisons, pour masquer la réalité.
La qualification de « fasciste » se répète avec une frivolité
blessante. Les termes « dictature », ou « franquisme » sont utilisés
avec naturel pour parler de la situation politique et social actuelle de
l’Espagne, et plus particulièrement de la Catalogne.
Pour ceux qui avons avons supporté toute notre enfance, notre
jeunesse, et qui entrâmes dans la vie adulte encore sous le joug du
franquisme, nous nous considérons humiliés en entendant ces
qualifications de la bouche de représentants politiques, des gens qui
devraient être mieux informés, et qui ont l’obligation de dire la
vérité.
Pour ceux qui fumes trainés dans les commissariats
et les prisons, où nous fumes battus et torturés, poursuivis pour nos
idées, pour les avoir exprimés, rapportées sur des tracts que nous
diffusions dans la clandestinité, ou pour nous être réunis, afin de nous
organiser. Dire qu’aujourd’hui il y a des prisonniers politiques en
Espagne, est vécu par nous comme une insulte.
Des dirigeants politiques du PdeCat (le parti de Puigdemont) la droite Catalane de toujours, qui approuva au congrès la modification de l’article 135 de la constitution (règle des 3% de déficit, au printemps 2012)
comme la loi de sécurité citoyenne, pour empêcher la tenue d’un
référendum dans les villes de Catalogne sur la réforme du code du
travail, avec l’intervention de la police régionale pour retirer les
urnes, osent maintenant affirmer que le gouvernent Espagnol est en train
d’agir comme au temps du régime franquiste. Avec un complet mépris pour
les résolutions judiciaires.
Les indépendantistes publient
de telles accusations dans les médias, expriment ces arguments dans des
débats télévisés, convoquent à des manifestations, coupent les axes de
la circulation sans se préoccuper des autorisations. Et jugés sur les
capots des voitures, excitent la foule pour qu’elle s’oppose à
l’exécution d’un mandat judiciaire, cassent les voitures de la police et
s’exhibent en masse, triomphants
Pour ceux qui furent
mitraillés dans les manifestations contre la dictature franquiste, pour
les morts de Vitoria, de Poble Nou, Barcelone, Cadix, Séville,
mitraillés dans les rues alors qu’ils réclamaient du pain et du travail.
C’est une insulte que d’affirmer qu’aujourd’hui en Espagne nous vivons
sous une dictature et plus particulièrement en Catalogne.
Pour les fusillés de 1939, depuis les 13 « rosas » jusqu’à Julian
Grimau, Granados et Delgado, Salvador Puig Antich, Jose Humberto Sanchez
Baena, Jose Luis Sanchez Bravo, Ramon Garcia Sanz, Juan Paredes Manot,
Angel Otaegui, exécutés le 27 septembre 1975 au crépuscule du
franquisme, et pour les innombrables victimes de la répression, enfermés
pendant d’interminables années et torturés, c’est un affront de
considérer qu’aujourd’hui en Espagne on poursuit les gens pour leurs
idées ou activités politiques.
Pour les 150 000 victimes assassinées et jetées dans des fosses,
dont nous n’avons pu récuperer les restes, c’est une ignominie que de
prétendre que nous serions revenus aux temps du franquisme. Assertions
qu’ils expriment en toute impunité devant les caméras, sur les plateaux
de télévision, aux journalistes étrangers comme nationaux, sans qu’ils
ne subissent la moindre représaille.
Toute cette épique que les nationalistes Catalans ont perversement élaboré, (reprise sans nuance par F.Bonnet) est en train de coloniser certains secteurs de la gauche Espagnole (comme Française) et désoriente cette jeunesse qui n’a pas vécue ces terribles années de notre histoire.
Un récit faux est en train de s’écrire, un récit qui sera
retransmis aux générations futures, un récit selon lequel le régime
franquiste apparaitra comme un systéme politique semblable à l’actuel,
avec des élections régulières pour toutes les institutions, mairies,
communautés, parlement, sénat.
Avec des journaux qui publient
ce qui peut sembler bon à leurs journalistes ou propriétaires. Avec des
télévision libres d’inviter à détruire l’ordre constitutionnel comme le
fait la TV régionale Catalane TV3. Avec des associations légales dans
tout les domaines, étudiants, de quartier, syndicales, féministes En
résumé tous ces avantages que la démocratie formelle permet en Europe
ou en Amérique, depuis que la dictature fut mise en déroute.
Considérer qu’aujourd’hui le franquisme est de retour, comme on
l’entend parce que le gouvernement a mis en application l’article 155 de
la constitution pour destituer le gouvernement de la generalitat et
convoquer de nouvelles élections, est de la pure propagande, la plus
fallacieuse. Quand la conduite de Puigdemont et de ses conseillers est
l’invitation à l’affrontement contre l’ordre juridique en vigueur.
Par intérêts politiques, tous les gouvernements Espagnols ont
laissé les gouvernements régionaux Catalans endoctriner librement leur
population, pour promouvoir leur projet d’indépendance depuis l’arrivée
au pouvoir de Jordi Pujol en 1980.
(…)
Mais le
plus impardonnable pour toujours, est la perverse utilisation par des
catégories politiques installées, de termes comme, « franquisme »,
« fascisme », « procès politiques », « prisonniers politiques » et tant
d’autres termes fallacieusement utilisés par les martyrs de
l’indépendantisme Catalan, des termes déplacés avec lesquels, comme du
temps d’Adolf Eichman, on est en train de banaliser le mal.
https://blogs.mediapart.fr/toni-cardona/blog/240219/francois-bonnet-la-catalogne-et-la-banalisation-du-mal
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